Candidat à la présidentielle de 2016 ?
Modeste Boukadia « crache » sa vérité
« La question de la constitution n’est pas une affaire du CDRC, c’est une question nationale qui concerne le Congo et tous les Congolais pour s’opposer au 3ème mandat de M. Sassou. La position du CDRC est celle de celles et ceux qui demanderont, le moment venu, à M. Sassou de respecter son serment, sa signature, sa parole d’officier général et d’homme d’Etat, à moins qu’il passe outre, ne respectant pas lui-même sa parole et son serment prêté. »

Interview Exclusive_journalEmmanuelN188 – Propos recueillis par Grand Pé-Mbélot
Emmanuel N° 188 du mardi 22 septembre 2015. PP. 7, 8 et 12.
QUESTION 1 – Nombreux sont les Congolais qui vous ont découvert seulement, lorsqu’ils ont appris qu’il y a un certain Modeste BOUKADIA de la diaspora congolaise, qui a porté plainte contre Monsieur Denis Sassou N’Guesso, le Président de la République du Congo, d’abord au Tribunal de Grande Instance de Paris, puis à la Cour Pénale Internationale (CPI), pour disparition de 14 de vos militants du CDRC, votre mouvement politique. Aussi, vous avez fait mouvoir le Groupe de travail des Nations Unies et l’Union Européenne dans le cadre des détentions arbitraires au Congo. Qui êtes-vous réellement ? Présentez-vous.
Modeste BOUKADIA : Tout d’abord permettez-moi de vous saluer et de saluer tous nos compatriotes du Congo. Permettez-moi ensuite d’être surpris par certains termes de votre question et par votre question elle-même et je m’en vais vous expliquer cet étonnement car voilà plus de 25 ans que je suis en politique au Congo.
Je ne suis pas à proprement parler un membre de la « diaspora congolaise » ! En effet, les membres de la Diaspora ont choisi de quitter leur terre natale, parfois pour des raisons déchirantes, mais c’est un choix volontaire. Pour ma part, j’ai dû être exfiltré du pays de nos ancêtres pour échapper aux hommes de main de M. Sassou. La nuance n’est donc ni anodine ni neutre !
Je parle de la « dictature » et de sa clique car il s’agit bien de cela. Voilà quelqu’un qui ose se draper derrière son titre institutionnel, sans respecter ses obligations ! Les revenus financiers du pays sont détournés par lui et sa famille, les Congolais vivant dans la misère et le dénuement le plus complet ! Malgré tous ces revenus financiers provenant des ressources de notre pays (pétrole, minerais, bois…) la population du Congo est l’une des plus pauvres du continent parce que ces revenus sont des rentes et ne sont pas concentrés à une politique de développement interne à notre propre économie endogène !
Il est tellement démocrate qu’il m’a condamné à 30 ans de travaux forcés pour avoir publiquement, au cours des conférences de presse et de meetings populaires, demandé et exigé un gouvernement d’union nationale, emprisonnant au même motif 28 cadres et membres du CDRC parce qu’ils ont manifesté pour réclamer un gouvernement national ! Spoliation de la population, refus du débat politique, etc. Nous sommes face à un dictateur vieillissant, crispé exclusivement sur la conservation de sa richesse personnelle ! Organisateur hors pair d’un procès stalinien avec les « Petits matins » comme il sait le faire pour en libérer 14 et prendre 14 en otages, et profiter de ce procès inique pour me condamner par contumace à 30 ans de travaux forcés en empêchant ma candidature à l’élection présidentielle de 2016.
Le contenu de la plainte devant le TPI, dont vous avez fait état porte sur un grand nombre d’assassinats commis par ses hommes de main ! Entendons-nous, il y a bien des personnes qui manquent à l’appel dans le sud du Congo et personne ne peut le contester.
Aujourd’hui un homme séquestré, très gravement malade, reste sans soins. Savez-vous pourquoi cet homme est en prison ? Parce qu’il se nomme TSIAKAKA, et que son enfant se prénomme comme moi ! Oui un nourrisson, sa mère, son père ont été et sont en prison parce qu’ils ont confondu un petit Modeste Boukadia de quelques mois avec moi !
Je me permets alors de vous le dire et de le dire à tous les Congolais : le régime politique du Congo est une dictature. Pour ma part, je suis un démocrate ; ce qui explique mes actions en justice contre la dictature et ses dirigeants. Vous ne me connaissez pas et d’autres mal car le système PCT empêche le débat politique !
Et pour cause. La presse est muselée ou achetée, ce qui ne facilite pas l’émergence des échanges. Toutes les idées novatrices de nos cadres, de nos jeunes sont étouffées par la pensée unique. Tous ceux qui ne sont pas d’accord ou qui ont une autre approche différente sont pour lui des ennemis… et quand on est au pouvoir, il est alors aisé de prétendre que ce sont des ennemis de l’Etat ! Et on l’use de la grosse ficelle pour dire que je ne suis pas connu des Congolais pour décourager les Investisseurs voire leur faire peur.
Je suis aujourd’hui en exil, Président du Cercle des Démocrates et Républicains du Congo-Brazzaville (C.D.R.C.). Avant cela, j’étais délégué des forces de l’opposition extérieure à la Conférence Nationale Souveraine de 1991. En 1997 j’étais candidat à l’élection présidentielle ; mais le putsch de juin 1997 a mis fin au processus démocratique. En 2009, j’étais également candidat indépendant à la présidence de la République pour le changement, l’unité et la réconciliation.
Aujourd’hui, je suis condamné à 30 ans de travaux forcés, pour avoir demandé un gouvernement d’union nationale lors des conférences de presse et de meetings populaires s’opposant au changement de la Constitution du 20 Janvier 2002. L’ONU, à ma demande et selon la légalité et le droit, a émis un avis exécutoire, en novembre 2014, qui en soit est un non-lieu judiciaire international impliquant un non-lieu judiciaire national pour une réhabilitation dans mes droits civils et politiques et la libération des membres de notre mouvement incarcérés pour raison politique. Depuis la conférence de presse du 3 février 2013 dans les locaux de La Semaine Africaine, je m’oppose au projet de modification ou de changement de la Constitution du 20 Janvier 2002 qui, à mes yeux, est un second putsch de la dictature vieillissante qui s’est imposée par le régime de terreur et de corruption !
QUESTION 2 – Au sujet de votre mouvement politique, le CDRC, la Cour criminelle de Pointe-Noire vous a condamné à 30 ans de travaux forcés en avril 2014, et aussi certains de vos militants, peine assortie d’un mandat d’arrêt parce que vous résidez en France, pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Que se passe-t-il en réalité entre le Pouvoir de Brazzaville et vous ?
M.B. : Plus précisément, 28 membres du CDRC ont été incarcérés le 21 août 2013, voilà plus de deux ans, pour s’être publiquement prononcés pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale et opposés à la modification ou au changement de la Constitution du 20 Janvier 2002 devant permettre au Président Sassou de se représenter.
Comble du grotesque, une femme et son bébé de 8 mois furent incarcérés 7 jours au motif que l’enfant se nomme Modeste BOUKADIA, 7 jours pour que la gendarmerie de Km4 réalise sa méprise, et son père condamné à 7 ans de prison, croupit gravement malade, sans soin, dans une des geôles située au Nord du pays.
La Cour de Pointe-Noire, agissant sur ordre de Messieurs Sassou et Yoka (le ministre de la justice), condamnant 14 d’entre eux le 8 avril 2014 et libérant les 13 autres, me condamnant moi-même à 30 ans de travaux forcés par contumace, sans même avoir reçu d’assignation à comparaître, après m’être échappé, avec l’appui de ma famille, des membres de mon parti, des amis, de certains services des pays d’Afrique et d’Europe, du piège qui m’était tendu sciemment par les hommes de main du Pouvoir m’obligeant à rester en exil.
Oui, j’ai saisi la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU à New York en leur exposant les faits de cette journée inique et représentative des méthodes policières du 21 août 2013, avec la précision et l’exactitude qui convient. Cette Commission Internationale a vérifié point par point mes allégations et a demandé leur version à Messieurs Sassou et Yoka en juillet 2014. Bien entendu, ceux-ci leurs ont opposé le silence le plus total en les ignorant alors que le Congo est un membre de la Communauté, silence considéré, à n’en point douter, comme une preuve de plus s’il en fallait de la véracité des faits. Vous noterez que c’est le 17 juillet 2014 que les 14 incarcérés de Pointe-Noire furent alors, pour toute réponse à la Commission en fin de non-recevoir, transférés dans les geôles du Nord et de Brazzaville.
La Commission des Droits de l’Homme rendit public ses travaux sur cette question le 18 novembre 2014 et envoya à Messieurs Sassou et Yoka ses recommandations qui valent décisions en matière de diplomatie. C’était juste avant Noël dernier quand Mr Sassou fut reçu en catimini par la petite porte à l’Elysée par le Président François Hollande ; à n’en pas douter, M. Sassou avait connaissance de ce document accablant pour la démocratie dans notre pays où la peur s’est instaurée de façon permanente.
Moi-même, je reçus le document de l’ONU le 8 janvier 2015, le jour de Charlie, document que j’avais avec moi Place de la République, au pied de sa Statue où je donnais les interviews qui sont par ailleurs en ligne sur « la démocratie » pratiquée au Congo alors que le représentant officiel était consigné dans son hôtel à Paris parce que ce jour-là MM. Sassou et Yoka étaient considérés persona non grata. Je me voyais ainsi de façon très emblématique comme le seul représentant de la Démocratie du Congo.
Depuis ce jour-là, MM. Sassou et Yoka n’ont pas cessé que d’opposer des fins de non-recevoir à la Diplomatie Internationale qui agit dans le cadre de l’ONU pour libérer les 14 embastillés reconnus de fait comme des otages.
Refusant obstinément toujours de libérer les 14 otages du CDRC malgré l’insistance de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, les Etats-Unis et de l’Union européenne le régime tente même de monter la population congolaise contre la Communauté Internationale, s’opposant à la main leur étant tendue, affirmant par le biais de M. Alphonse Dinar MOBANGA, directeur de Cabinet de Mr Yoka, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits humains, que : « le Gouvernement congolais, présidé par M. Sassou N’Guesso, ne reconnaît pas la compétence de l’ONU sur ce qu’il se passe au Congo-Brazzaville. Quant à l’avis des Nations Unies, nous ne le reconnaissons pas. Ils n’ont pas voulu faire appel de leurs condamnations, maintenant on nous parle de l’ONU… Pourquoi M. Boukadia n’a-t-il pas écrit pour solliciter un non-lieu ? »
Cette réponse à ne point en douter n’est pas du seul directeur de Cabinet qui n’a fait que transmettre le message. Mais vous noterez encore les incohérences de tous ces gens car, comment se fait-il que le jugement ne m’a jamais été signifié et d’autre part que personne ne peut se le procurer près de la Cour de Pointe-Noire, n’est-ce pas curieux ?
Maintenant, une plainte est déposée à la CPI contre M. Sassou le ministre Yoka pour détentions arbitraires reconnues par l’ONU et pour disparitions des 14 personnes transférées de Pointe-Noire à Brazzaville. Si les 14 cadres et membres de mon parti ne sont pas disparus, comme ceux du fameux dossier des « Disparus du Beach« , pourquoi alors ne les présente-t-on pas à la presse ?
Nous n’avons pas la même approche de l’exercice du pouvoir et de la finalité du pouvoir ! Ce qu’il y a entre nous est très simple. Je suis démocrate et je veux que la puissance financière soit utilisée pour acquérir et mettre en place les moyens techniques pour que le Peuple dans son ensemble puisse agir pour lui-même et par lui-même en vue d’assurer sa propre qualité de vie de façon pérenne, non pas pour assurer uniquement la qualité de vie des familles dirigeantes qui vont dépenser les deniers publics hors du pays.
Au lieu de développer l’habitat et les piscines de la nomenklatura de la Cuvette avec les devises actuellement confisquées par le système PCT, je veux que celles-ci servent au Pays en général pour développer par exemple le réseau d’alimentation en eau potable ou le réseau électrique pour tous les Congolais, c’est aussi simple que cela ! Je veux que ces moyens financiers soient investis dans la réalisation des projets d’infrastructures dignes d’un pays moderne à la qualité de vie normale, alors que le Pays vit à crédit permanent de manière à lui reprendre tout ce qu’il se voit attribué en devises.
Mes urgences ne sont vraiment pas les mêmes que celles de M. Sassou, et qui n’agit qu’en n’agissant pas pour le développement du Pays considéré comme ressource à brader, tanker par-ci, tanker par-là, via des canaux insondables, mais jamais pour le bien-être de la population.
N’y-a-t-il pas une urgence à édifier quelques centrales électriques modernes pour le confort de tous ? N’y-t-il pas urgence aux réseaux routiers et ferrés structurants pour favoriser les échanges internes ? N’y-t-il pas une urgence à instaurer un réseau d’éducation générale et de formation professionnelle ? N’y-t-il pas urgence à rénover de fond en comble le réseau de santé au plus proche de nos citoyens ? N’y-a-t-il pas urgence au système différé permettant la qualité de vie normale pour tous les Anciens ?
Assurément non car il s’agit pour le PCT que de capturer les devises et les dépenser à titre personnel, ailleurs ; ce qui ne contribue en rien au développement local du pays ! Car il faut bien s’y faire : dans les conditions actuelles, le Congo n’est jamais pour l’essentiel qu’une simple économie de rente, avec des rentiers essentiellement d’une seule ethnie ne sachant que faire de la rente ! Et rester dans une économie rentière qui ne demande pas des gens compétents en quoi ce soit, sinon en bons chiens de garde afin de mater le Peuple délaissé, c’est rester éternellement dans la dépendance !
Disons aussi que pour des raisons que l’Histoire étudiera, les Congolais restés au Pays ont été laissés dans un état d’abandon indécent. Aussi, il faut remettre en place les conditions d’une République où une région ne domine pas tout le reste à plus de 90% si ce n’est la quasi-totalité, ce qui est le cas actuel où l’on assiste à une colonisation noire de la Cuvette venue de l’orient sur les autres Noirs ancestraux ; ce ne sont pas là les conditions de la République instaurée en 1960 au sortir de la colonisation blanche.
Comment voulez-vous faire revenir la diaspora congolaise qui a fui la colonisation barbare instaurée par les ressortissants d’une seule contrée conquérant manu militari Brazzaville et pratiquant un génocide du quart de la population d’une autre contrée entre 1997 et 2005 ?
Et pourtant, il faut faire revenir en toute quiétude cette diaspora congolaise, pour qu’elle nous fasse bénéficier des compétences et expérience acquises, car nous avons besoin de gens compétents dans leur domaine, fonctionnaires, magistrats, ingénieurs, industriels, artisans, et tous métiers en tous genres dont une Nation a besoin pour vivre et survivre dans la paix et l’indépendance. Nous avons besoin de tous les Congolais pour créer un Etat moderne avec les technologies modernes. Ce ne sont pas là de vains mots car je sais nos capacités intellectuelles à la hauteur de nos ambitions !
Besoin d’écoles, de logements, d’infrastructures dignes d’un pays évolué, de justice indépendante pour recevoir les plaintes des victimes du système PCT et réparer ces injustices par un fond spécial, créer les moyens pour subvenir aux femmes violées, aux enfants nés de viols, aux familles de parents assassinés, indemniser les personnes ayant leurs biens détruits voire spoliés ou confisqués, voilà entre autres parmi nombre de questions, ce qui me tient à cœur pour restaurer la République.
Il s’agit d’une nouvelle donne plus équitable et solidaire pour donner un nouveau départ aux victimes de la dictature. Alors je le dis, je le répète : il est très urgent que la dictature disparaisse, qu’il plie bagages et qu’il laisse les Congolais vivre en harmonie ! Il faut se faire à l’idée que les mouvements de fond sont inéluctables. Partout les dictatures disparaissent dans le monde. Celle du Congo disparaîtra, c’est inéluctable ! Reste à savoir quand voire comment… !
Remarquez aussi, dans l’Histoire du Congo, que je suis le second à subir les Travaux forcés, après André Grenard MATSOUA sous la colonisation blanche. Dois-je prendre la presse à témoin que nous en sommes toujours sous le régime de la colonie ?
QUESTION 3 – Souvent dans vos meetings, vous réclamez au Président Denis Sassou N’Guesso qu’il vous « restitue » votre « coq ». Ce langage codé n’est malheureusement pas compris par nombreux des Congolais qui veulent bien vous suivre. De quoi parlez-vous ? S’agit-il d’un règlement de comptes ?
M.B. : Pourquoi ne posez-vous pas la question du coq à M. Sassou ? Vous connaissez nos traditions ? Vous savez dans quelles circonstances on doit offrir à quelqu’un un coq ! Il est vrai que dans des circonstances particulières, j’ai été amené à sauver la vie d’un certain Denis Sassou. Est-ce que je le regrette ? Je vous avoue qu’aujourd’hui, je n’arrive pas à répondre à cette question. Mon éthique me dit que je ne dois pas regretter. Mais face à ce qu’il a commis et commet encore aujourd’hui je ne peux m’empêcher de m’interroger et de douter. Une chose est sûre : je ne suis redevable en rien, ni au PCT, ni à qui que ce soit. Je n’ai jamais été ni ministre, ni occupé un quelconque poste par le bon vouloir de Denis Sassou N’Guesso. Ce qui veut dire que mon action est dictée par la volonté de voir le Congo aller vers le Changement voulu à la Conférence Nationale Souveraine en 1991. Vous noterez aussi que je ne suis pas opposant parce que j’aurais été remercié par lui en me coupant les vivres et les revenus ! Sur cette question du coq, je me suis amplement étendu dans l’article publié en août de l’année passée.
QUESTION 4 – Mais aussi dans votre discours politique, vous êtes pour un Gouvernement d’union nationale d’une part, et pour la partition du Congo en Nord et Sud du pays d’autre part. N’êtes-vous pas paradoxal et en contradiction avec la Constitution du 20 Janvier 2002 qui stipule que le Congo est UN et INDIVISIBLE ?
M.B. : Vous avez raison. J’ai longtemps milité pour un gouvernement d’union nationale. Mais aujourd’hui, je vous fais remarquer que ce n’est pas moi qui divise le pays. C’est bel et bien M. Sassou et son clan qui le divisent. Le premier amplifie la division du Congo lorsque solennellement au cours de son Message sur l’état de la nation le 12/08/2014 déclare : « Nous ne voulons pas de la démocratie de l’invective. Celle qui se nourrit du sang et des larmes. Il s’agit, vous vous en doutez, du sang et des larmes des autres. Mais, nous n’allons pas recommencer. Le sang et les larmes des autres ont trop coulé dans ce pays. Nous disons : ça suffit ! » Nommer ses concitoyens du sud du Congo par les « AUTRES » démontre que le Congo n’est ni UN ni INDIVISIBLE. Il est pluriel et divisible. C’est ce que M. Sassou dit.
Par ailleurs, quand Théophile OBENGA enfonce le clou que les « AUTRES » doivent se soumettre, s’assujettir, se vassaliser, s’asservir, accepter la discrimination, la ségrégation, se laisser coloniser, subir l’esclavage pour toujours du pouvoir d’Oyo à l’issue des « hostilités criminelle » ayant conduit au génocide des ressortissants d’autres contrées en ces termes « … Si les choses ne sont pas vues de cette manière, on aboutit à la scission, à la partition… ». Voyez « Pour le Congo-Brazzaville, Réflexions et Proposition » chez L’Harmattan en 2001, il enfonce le clou, il ne dit rien d’autre que le Congo n’est ni UN ni INDIVISIBLE.
C’est ce que l’ancien ambassadeur Henri LOPES, à peine relevé de ses fonctions d’Ambassadeur du PCT à Paris, a aussi fait savoir que le pouvoir du PCT pratique la discrimination et le tribalisme à l’endroit des ressortissants du sud du Congo pour qu’aucun cadre n’accède au pouvoir.
Ce n’est pas Modeste BOUKADIA qui divise un Pays déjà divisé. C’est plus facile de culpabiliser les « AUTRES » au lieu de s’assumer et d’assumer ses actes, comme nommer, à tous les postes-clés de l’Etat, 98% du commandement militaire et civil uniquement des ressortissants d’une même contrée. Ça, ce n’est pas Modeste BOUKADIA qui le fait. Mais bien M. Sassou N’Guesso.
Je constate le silence du Général Jean-Michel Marie MOKOKO qui était très actif lorsque le Premier ministre André MILONGO nommé par la Conférence Nationale Souveraine voulut normaliser l’Administration du Pays. Notez qu’André Milongo se vit contraint à procéder à un remaniement ministériel par trimestre.
Aujourd’hui avec 98% du commandement militaire et civil dans les mains des ressortissants d’une seule ethnie, quelle marge de manœuvre pour le futur Président de la République si nous ne passons pas par la partition afin de préserver les vies humaines tant celles du Nord que celles du Sud. Car il est à craindre que dès qu’il y aura la normalisation de l’Etat, ceux ayant emmagasiné des armes de guerre vont les utiliser sous le prétexte que la normalisation relève de la chasse aux sorcières. Chacun doit y réfléchir dès maintenant.
Cela d’autant que, dans l’article « Tribalisme et Etat au Congo Brazzaville : un régime ethno-régional et très anti-national » écrit par les tenants d’une certaine alternance, article publié en date du 9 septembre 2015 sur le site de Brazza News, l’on recense les noms et prénoms de tous les ressortissants du nord qui occupent toutes les hautes fonctions dans toute l’administration. Tout est dit à l’aide de plusieurs tableaux explicatifs. Une manière de dresser déjà les listes de ceux que les tenants de cette alternance vont devoir sévir pour équilibrer l’administration tant civile que militaire. Je prends une fois de plus la presse à témoin : pensez-vous que ceux que l’on a listés vont se laisser faire, surtout qu’ils détiennent les armes de guerre ? Ce n’est pas le fait de vouloir l’alternance, mais il faut arriver à préserver les vies humaines et faire fonctionner l’Etat dans son sens le plus absolu. C’est la raison pour laquelle depuis toujours je me suis opposé aux états-généraux de la nation car ils sont porteurs de détresse et de dégâts sans fin.
Pour normaliser la situation, la solution que j’ai proposée un temps fut la Conférence Nationale Souveraine 2ème génération organisée par un Gouvernement d’Union Nationale. C’est cette idée qui a valu aux cadres de mon parti d’être embastillés et pris en otages, et pour laquelle je suis condamné à 30 ans de travaux forcés. Pourtant, c’était la solution pacifique pour tous permettant à M. Sassou de sortir par la grande porte. Aujourd’hui, il est rattrapé par les extrémistes de l’alternance qui ont commencé à lister ceux à qui ils couperont la tête le moment venu, à défaut de partition.
Comment ne pas percevoir qu’avec l’incarcération des militants du CDRC, ma condamnation par contumace et les atermoiements face aux décisions des Nations Unies, M. Sassou a définitivement fermé la porte à cette solution démocratique et pacifique.
La République du Congo est indivisible selon la Constitution de 2002 établie par M. Sassou. Mais la même constitution stipule que M. Sassou ne peut briguer un 3ème mandat ! Selon la même constitution les populations du Nord et du Sud ont les mêmes droits ! Et pourtant les populations des cinq pays du sud sont tous les jours victimes de discriminations, de violences, de meurtres, de viols ! La seule solution pacifique pour stopper ce génocide, c’est la partition, et que M. Sassou sorte ou non par la grande porte, car je continue à souligner que la représentation nationale du nord Léfini n’a jamais muté ses Institutions coloniales, contrairement à ce que fit le Président Fulbert Youlou pour le Sud Congo. Car oui, je suis pour la protection des Peuples des cinq pays du Sud Congo constitué en 1958, alors que toute la représentation nationale nord Léfini voulait s’en aller faire allégeance au Centre-Afrique.
D’ailleurs, c’est bien au Président Fulbert Youlou que le Président Charles De Gaulle demanda de bien vouloir accepter le Nord Moyen Congo dans le giron du Sud Congo parfaitement muté en République, impliquant que la République du Congo siégeant de jure à l’ONU n’est autre que celle du Sud Congo. Ce qui explique d’ailleurs, à propos du comportement de M. Sassou, son aphorisme : ONU, connais pas !
QUESTION 5 – A propos de la Constitution justement, plus d’un an déjà que le débat sur son changement ou non défraie la chronique au Congo et on s’achemine vers son changement par référendum que le Pouvoir veut imposer. Quelle est la position du CDRC ?
M.B. : La question n’est pas d’actualité tant que M. Sassou ne se sera pas prononcé ouvertement et publiquement. Car il prend de fait en otages ses propres partisans par sa politique de terreur où chacun est tenu par le revenu qu’il reçoit de lui et par les menaces qu’il fait peser sur leurs familles. La question de la constitution n’est pas une affaire du CDRC, c’est une question nationale qui concerne le Congo et tous les Congolais pour s’opposer au 3ème mandat de M. Sassou. Vous voyez bien les réactions de toutes les composantes de la société tant civile que politique. Elles sont majoritaires à s’y opposer. La position du CDRC est celle de celles et ceux qui demanderont, le moment venu, à M. Sassou de respecter son serment, sa signature, sa parole d’officier général et d’homme d’Etat, à moins qu’il passe outre, ne respectant pas lui-même sa parole et son serment prêté.
QUESTION 6 – Êtes-vous candidat à l’élection présidentielle de juillet 2016 ?
M.B. : A l’heure actuelle, l’élection de 2016 prend la voie de la mascarade car rien n’est fait pour les recensements pour revoir en profondeur les listes électorales et permettre à la diaspora de participer au vote. Il y a donc ces préalables à résoudre avant le terme échu, c’est-à-dire juillet 2016. Si M. Sassou et le PCT trainent les pieds, c’est pour annoncer le moment venu qu’il n’est plus possible d’organiser le scrutin électoral. Alors ce sera un coup de force constitutionnel, autrement dit un coup d’Etat. Il faudra alors qu’il en assume toutes les conséquences et toute la responsabilité devant le peuple !
Pour ma part, et afin que l’on ne se retrouve pas devant cette impasse, je considère qu’une élection peut se dérouler aux conditions suivantes : qu’un recensement soit fait au plus vite, que les listes électorales soient mises à jour et que la diaspora puisse voter de l’étranger et sans restriction aucune !
Enfin pour que cette élection puisse se dérouler et qu’elle ne soit pas contestable il faut qu’elle soit organisée par l’ONU, l’Union Européenne et la Communauté Internationale, dans son déroulement comme dans sa préparation. Il est important et indispensable que la Communauté Internationale s’implique au Congo, qu’elle aide le Congo comme elle a bien aidé certains pays comme le Bénin.
Dans l’intervalle, la nomination d’un médiateur international serait l’acte salvateur pour prévenir ce qui se prépare : des drames inutiles pour préserver le pouvoir. Si ces conditions sont remplies alors l’élection ne sera pas une mascarade. Alors je pourrai affronter démocratiquement mes adversaires ! Et comme je suis cohérent, et que je dis ce que je fais et que je fais ce que je dis… j’ai saisi l’ONU et la Communauté Internationale pour assurer la préparation de l’élection et son déroulement démocratique.
Vous voyez, j’ai à cœur de promouvoir la démocratie, le pluralisme politique, le débat public et la gouvernance démocratique… Est-ce le cas de M. Denis Sassou qui méconnaît les Nations Unies ? Merci.
Propos recueillis par Grand Pé-Mbelot